Dansles plis sinueux des vieilles capitales, Où tout, même l’horreur, tourne aux enchantements, Je guette, obéissant à mes humeurs fatales Des êtres singuliers, décrépits et charmants. Ces 410 Erreur interne du serveur Erreur interne du serveur Retourner à la page principale Bonjour dans le poème "les petites vieilles" de Baudelaire comment l'auteur rend-ils hommages aux vieilles femmes ? merci d'avance Le poème : I Dans les plis sinueux des vieilles capitales, Où tout, même l'horreur, tourne aux enchantements, Je guette, obéissant à mes humeurs fatales Des êtres singuliers, décrépits et charmants. Ces monstres disloqués furent À VICTOR HUGO I Dans les plis sinueux des vieilles capitales, Où tout, même l’horreur, tourne aux enchantements, Je guette, obéissant à mes humeurs fatales, Des êtres singuliers, décrépits et charmants. Ces monstres disloqués furent jadis des femmes, Éponine ou Laïs ! Monstres brisés, bossus Ou tordus, aimons-les ! ce sont encor des âmes. Sous des jupons troués et sous de froids tissus Ils rampent, flagellés par les bises iniques, Frémissant au fracas roulant des omnibus, Et serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques, Un petit sac brodé de fleurs ou de rébus ; Ils trottent, tout pareils à des marionnettes ; Se traînent, comme font les animaux blessés, Ou dansent, sans vouloir danser, pauvres sonnettes Où se pend un Démon sans pitié ! Tout cassés Qu’ils sont, ils ont des yeux perçants comme une vrille, Luisants comme ces trous où l’eau dort dans la nuit ; Ils ont les yeux divins de la petite fille Qui s’étonne et qui rit à tout ce qui reluit. — Avez-vous observé que maints cercueils de vieilles Sont presque aussi petits que celui d’un enfant ? La Mort savante met dans ces bières pareilles Un symbole d’un goût bizarre et captivant, Et lorsque j’entrevois un fantôme débile Traversant de Paris le fourmillant tableau, Il me semble toujours que cet être fragile S’en va tout doucement vers un nouveau berceau ; À moins que, méditant sur la géométrie, Je ne cherche, à l’aspect de ces membres discords, Combien de fois il faut que l’ouvrier varie La forme de la boîte où l’on met tous ces corps. — Ces yeux sont des puits faits d’un million de larmes, Des creusets qu’un métal refroidi pailleta… Ces yeux mystérieux ont d’invincibles charmes Pour celui que l’austère Infortune allaita ! II De Frascati défunt Vestale enamourée ; Prêtresse de Thalie, hélas ! dont le souffleur Enterré sait le nom ; célèbre évaporée Que Tivoli jadis ombragea dans sa fleur, Toutes m’enivrent ! mais parmi ces êtres frêles Il en est qui, faisant de la douleur un miel, Ont dit au Dévouement qui leur prêtait ses ailes Hippogriffe puissant, mène-moi jusqu’au ciel ! L’une, par sa patrie au malheur exercée, L’autre, que son époux surchargea de douleurs, L’autre, par son enfant Madone transpercée, Toutes auraient pu faire un fleuve avec leurs pleurs ! III Ah ! que j’en ai suivi de ces petites vieilles ! Une, entre autres, à l’heure où le soleil tombant Ensanglante le ciel de blessures vermeilles, Pensive, s’asseyait à l’écart sur un banc, Pour entendre un de ces concerts, riches de cuivre, Dont les soldats parfois inondent nos jardins, Et qui, dans ces soirs d’or où l’on se sent revivre, Versent quelque héroïsme au cœur des citadins. Celle-là, droite encor, fière et sentant la règle, Humait avidement ce chant vif et guerrier ; Son œil parfois s’ouvrait comme l’œil d’un vieil aigle ; Son front de marbre avait l’air fait pour le laurier ! IV Telles vous cheminez, stoïques et sans plaintes, À travers le chaos des vivantes cités, Mères au cœur saignant, courtisanes ou saintes, Dont autrefois les noms par tous étaient cités. Vous qui fûtes la grâce ou qui fûtes la gloire, Nul ne vous reconnaît ! un ivrogne incivil Vous insulte en passant d’un amour dérisoire ; Sur vos talons gambade un enfant lâche et vil. Honteuses d’exister, ombres ratatinées, Peureuses, le dos bas, vous côtoyez les murs ; Et nul ne vous salue, étranges destinées ! Débris d’humanité pour l’éternité mûrs ! Mais moi, moi qui de loin tendrement vous surveille, L’œil inquiet, fixé sur vos pas incertains, Tout comme si j’étais votre père, ô merveille ! Je goûte à votre insu des plaisirs clandestins Je vois s’épanouir vos passions novices ; Sombres ou lumineux, je vis vos jours perdus ; Mon cœur multiplié jouit de tous vos vices ! Mon âme resplendit de toutes vos vertus ! Ruines ! ma famille ! ô cerveaux congénères ! Je vous fais chaque soir un solennel adieu ! Où serez-vous demain, Èves octogénaires, Sur qui pèse la griffe effroyable de Dieu ?
Dans les plis sinueux des vieilles capitales, Où tout, même l’horreur, tourne aux enchantements, Je guette, obéissant à mes humeurs fatales, Des êtres singuliers, décrépits et charmants. » (Baudelaire, Les petites vieilles, Les Fleurs du mal, pièce XCI, v.1-4) L’horreur alors n’est plus si prégnante. Au Moyen-âge qu’elles sont, les Cours des Miracles et leurs
Résumé Index Texte Notes Citation Auteur Résumés La foi profonde de Renoir, Monet, Pissarro et Sisley dans le progrès, leur vision positiviste, leur permettent de donner une image parfaitement optimiste de l’espace urbain parisien. Ces pionniers de la modernité », les premiers à représenter sereinement des scènes de la vie contemporaine, sont probablement aussi les derniers à croire en une évolution sans l’instar de Degas ou Manet, Caillebotte est, l’histoire nous l’a prouvé, plus lucide. Le Paris qu’il figure n’est pas un espace saturé de communications ou de foules qui flânent sur les boulevards mais un vide où évoluent des inconnus, étrangers les uns aux autres. La collision et l’hétérogénéité des espaces urbains, l’impossibilité d’en donner une image unifiée, le sentiment de vertige contredisent l’apparente régularité de l’ordre urbain. L’œuvre de Caillebotte nous permet ainsi de percevoir les signes encore discrets de l’inhumanité des métropoles modernes. Le caractère mélancolique de ses toiles indique que la modernité de la ville haussmannienne est déjà perçue avec un regard nostalgique. The deep faith of Renoir, Monet, Pissarro and Sisley in progress, their positivist view, enable them to give a very optimistic view of the Parisian urban space. These pioneers of modernity », the first to represent the scenes of contemporary life, are probably the last to believe in a smooth Degas and Manet, Caillebotte, history has proven, is more lucid. In his paintings, the capital of France is not a space saturated with communication or loitering crowds on the boulevards but a vacuum where walkers are strangers to each other. Collision and heterogeneity of urban areas, the inability to give a unified image, the feeling of dizziness, contradict the apparent regularity of the urban order. Caillebote’s work allows us to see the signs yet discrete of inhumanity of modern cities. The melancholy of his paintings indicates that the modernity of the city transformed by Haussmann is already seen with a nostalgic de page Entrées d’index Haut de page Texte intégral À Hedva et Ze’ev Carmeli. 1C’est un fait connu le terrain privilégié où les impressionnistes posent leur palette se situe au bord d’un fleuve, face au paysage souriant. Souvent, même quand ils traitent l’espace urbain, ce sont les espaces verts qu’ils affectionnent. Mais pas de n’importe quelle ville. Certes, Pissarro exécute une suite impressionnante de vues du Havre et de Rouen. Rouen, où Monet peint également sa fameuse série de cathédrales. Cependant, ces escapades restent limitées par comparaison avec leur fascination pour la capitale qui se modifie sous leurs yeux. De fait, les années 1870 sont un moment historique, où l’organisation de Paris trouve son prolongement dans ce mouvement pictural. Au cours de cette période de consolidation de la société bourgeoise dans la ville moderne, qui se cristallise autour du mythe de Paris, capitale de l’Europe, deux événements font date 1872 voit la fin de la restructuration de Paris, opération d’une ampleur considérable entreprise par Haussmann, préfet de police de Napoléon III ; deux ans plus tard, la première exposition impressionniste ouvre ses portes. Simple coïncidence ? Risquons une hypothèse et si les impressionnistes, qui se sont surtout illustrés dans le genre du paysage, avaient aussi été les premiers peintres officiels de la ville haussmannienne ? 1 Pissarro écrit en 1897 à son fils, Lucien Ce n’est peut-être très esthétique, mais je suis ench ... 2 Nos artistes doivent trouver la poésie des gares, comme leurs pères ont trouvé celle des forêts e ... 3 On ne verra jamais chez eux les plis sinueux des vieilles capitales », C. Baudelaire, Les petit ... 2Quelles furent les motivations d’Haussmann ? Renforcer les nouveaux axes du développement économique, l’ordre public et la rentabilité foncière en créant de grandes artères, en accélérant la construction des gares, en valorisant, enfin, les beaux quartiers ». Les peintres semblent partager cette conception de la modernité1. Caillebotte peint le pont de l’Europe, Monet multiplie les vues de la gare Saint-Lazare, hommage à la richesse du réseau de communications de la capitale2. Les visions plongeantes de Pissarro mettent en valeur la majestueuse perspective du boulevard Montmartre et du boulevard de l’Opéra tout en exaltant la flânerie. Les tons sombres en sont délibérément exclus, la palette éclaircie est comme la célébration d’une architecture qui a horreur du plein et du tortueux3. C’est là une nouvelle image de Paris, une image pittoresque, qui sera reprise ensuite par le cinéma, surtout américain. 3La luminosité de ces tableaux qui figurent les vastes espaces dégagés Les Grand Boulevards mais aussi la Place du Carrousel, le pont des Arts, Saint-Germain l’Auxerrois… vise-t-elle à nous aveugler sur les cicatrices, les considérables résidus de la misère d’une ville qui refait sa toilette ? Toutes les traces du plus imposant chantier du xixe siècle sont ici volontairement effacées, de même que les traces des incendies de la Commune durant la semaine sanglante de mai 1871. La croissance urbaine, conséquence de l’industrialisation et de l’exode rural, semble se résoudre sans peine dans des modèles abstraits où l’ancien centre ville est encerclé par les nouveaux quartiers, dans un mouvement sériel infini qui absorbe les nouveaux arrivants. 4 Kirk Varnedoe, Gustave Caillebotte, Paris, Adam Biro, 1988, p. 88. 4La peinture de Caillebotte ne montre pas d’autres quartiers de la capitale que ses confrères. Comme les autres impressionnistes, il situe ses tableaux dans le cadre de la nouvelle architecture haussmannienne. D’autant plus, que ce choix semble parfaitement naturel il est chez lui. Caillebotte, qui vient d’une famille fortunée, habite dans cet arrondissement pratiquement dès sa naissance. En quelque sorte, il est le sismographe de l’évolution de l’urbanisme parisien. Ses scènes se situent dans cet ensemble incomparablement homogène et sans mélange de la nouvelle apparence que les boulevards haussmanniens avaient imposés un peu partout à Paris… La ville moderne avait des dimensions impressionnantes, une élégance sécurisante et une propreté impeccable. Caillebotte restitue tous ces composants de la modernité et les souligne jusque dans ses personnages qui sont tous habillés à la dernière mode », et, ajoute Kirk Varnedoe, [i]l nous communique aussi une autre sensation, dans un registre tout différent et moins positif »4. C’est que Caillebotte aboutit à partir de thèmes et de techniques relativement similaires à celles d’autres impressionnistes à des visions bien différentes de la ville. 5De fait, quelle étrange modernité que celle de Caillebotte ! Certes, son regard est irrésistiblement attiré par le spectacle des rues de Paris, les scènes de la vie contemporaine. Comme les impressionnistes, il présente au spectateur les réalisations urbaines les plus audacieuses les structures métalliques du pont de l’Europe, les larges boulevards récemment tracés par le baron Haussmann, qui sont un motif récurrent chez le peintre dans les années 1876-1882. Le Paris de Caillebotte serait-il celui de la même capitale de l’Europe que célèbrent tous les impressionnistes ? Les dates importantes de la biographie de Caillebotte recoupent en effet celles des travaux de rénovation de la capitale. À l’âge de dix-huit ans, le peintre s’installe avec sa famille dans une maison élégante, un hôtel particulier de trois étages qu’a fait construire son père, à l’angle de la rue Miromesnil et de la rue de Lisbonne. On est tout près de la place de l’Europe, le dernier quartier construit à la mode, un quartier résidentiel soigneusement planifié, destiné à la grande bourgeoisie. Plus tard, la famille déménage au 77, rue de Miromesnil, à deux pas de la gare Saint-Lazare. Caillebotte se trouve ainsi au cœur de cette partie de Paris qu’il représentera si souvent. L’artiste déménage ensuite dans un appartement situé, de façon on ne peut plus symbolique, sur le boulevard Haussmann. C’est de ce poste de commande » situé au sixième étage que le peintre effectue de nombreuses vues plongeantes sur les rues de Paris. Caillebotte partage ainsi avec les autres artistes l’idée selon laquelle le milieu urbain serait le plus propice à l’observation des nouvelles formes plastiques et où les larges et longues avenues permettent de changer perspectives et points de vue. On pourra même dire que chez lui l’architecture, transcrite avec précision, occupe une place encore plus importante que chez les autres impressionnistes. 5 Présenté à l’exposition impressionniste de 1877, le tableau reçoit un accueil plutôt favorable ... 6 Bertail, Le Soir, 1876. 6Caillebotte fut probablement témoin de la dernière phase de la construction du pont de l’Europe, qui fut inauguré en 1868. Cette vaste construction de fer qui enjambe les rails de la gare St-Lazare a immédiatement fasciné le public. Dès 1867, le Guide de Paris mentionne cette curieuse structure métallique qui étonne par sa forme bizarre et par son immensité ». Le sujet est résolument moderne, à la fois par son architecture en fonte et par sa situation, près d’une gare. Ces cathédrales de l’humanité nouvelle où se déploie la religion du siècle, écrit Théophile Gautier, sont le point de rencontre des nations, le centre où tout converge ». Selon une légende familiale, la fascination de Caillebotte pour le pont de l’Europe fut telle qu’il se fit construire un omnibus de verre afin de pouvoir l’observer et le peindre par tous les temps5. Contrairement aux vues de la gare Saint-Lazare peintes à la même période par Monet Caillebotte en achètera trois versions, où l’écran de fumée obstrue la vision, l’image du pont est très nette. En effet, le peintre ne cherche pas à décomposer le sujet mais au contraire à l’inscrire dans une géométrie inflexible. Le regard est contraint de suivre les principales lignes de composition une série de diagonales qui, dans un effet de pénétration accélérée, convergent vers un point de fuite situé de façon inhabituelle au centre de la toile. M. Caillebotte, écrit ainsi un critique contemporain, si remarquable par son mépris de la perspective, saurait très bien, s’il voulait, faire la perspective comme le premier venu. Mais son originalité y perdrait. Il ne fera pas cette faute6». Le pont de l’Europe 7La perspective est soulignée par les barres obliques, qui constituent un relais entre le grand angle du premier plan et le second plan. Cependant, le peintre joue subtilement sur l’orientation des regards pour contredire la rigidité de la perspective. Un couple de promeneurs s’avance vers le spectateur. Attiré dans la même direction que celui de l’homme, notre regard est progressivement reconduit vers le premier plan, sur le personnage accoudé à la balustrade. Tourné vers sa droite, il nous incite à son tour à fixer notre regard dans une direction perpendiculaire à l’axe du tableau. À ce chassé-croisé oculaire s’ajoute une composition toute en contraste. Contraste entre l’élégance du couple bourgeois et la mélancolie de l’ouvrier ; entre la singularité des figures et la répétition rythmique des croisillons de fer brut ; entre le bleu azur du ciel et le gris métallique des poutrelles. Le pont de Caillebotte est fragmenté, arbitrairement interrompu par le bord de la toile. Chaque personnage est orienté dans une direction différente, les regards ne se croisent pas, les mouvements sont figés. Les individus paraissent artificiellement réunis par la perspective ; la coexistence sociale n’implique pas d’échanges. Temps de pluie, esquisse 7 E. Lepelletier, Le Radical, 1877 8 Kirk Varnedoe, op. cit. 8Toutefois, c’est probablement avec Rue de Paris, temps de pluie 1877 que l’activisme urbain, l’emblème indiscutable de la modernité dans le dernier quart du siècle, est étrangement absent. Le fait est d’autant plus remarquable que ce tableau monumental aux dimensions exceptionnelles 212/276 reste une des œuvres les plus ambitieuses de Caillebotte, avec Le Pont de l’Europe. Nous sommes proches de l’hôtel particulier occupé par l’artiste et sa famille, dans le quartier nommé La Nouvelle Athènes. Cette place en étoile où se croisent la rue de Tourin, la rue de Moscou et la rue Clapeyron, est représentée avec une ampleur presque démesurée du premier plan. Une lumière grise se reflète dans les pavés mouillés. Un couple, grandeur nature, se dirige vers le spectateur, d’un mouvement si déterminé que celui-ci a tendance à reculer. Des personnages isolés déambulent comme des automates. Les parapluies qui protègent les passants de la très légère pluie, fonctionnent surtout comme des abris contre tout contact visuel possible. L’espace, démesurément large, tel que l’œil ne pourrait le saisir que dans l’objectif grand angle » d’un appareil photographique, crée une sensation de vacuité et de vide psychologique. Le regard erre sans pouvoir se fixer de façon définitive. La critique contemporaine ne s’est pas trompée c’est l’œil du spectateur tiraillé en tous sens par les choses de seconde importance... le talent de l’artiste et l’attention du spectateur s’éparpillent également dans cette diffusion7 ». Toutefois, l’étrangeté explicite de cette image s’explique par la tension entre la chorégraphie absurde du ballet des personnages et l’ordonnancement géométrique, qui préfigurent Seurat. Ce tableau se construit sur un signe d’addition géant, partagé en deux dans le sens horizontal par la ligne qui traverse les têtes et suit la base des édifices, et dans le sens vertical par le réverbère et son reflet » écrit justement Kirk Varnedoe8. 9La précision du rendu est presque celle d’une composition abstraite. L’importance accordée, dans les dessins préparatoires, au cadre architectural, à la perspective, méticuleusement exécutée avec une règle, aux esquisses de personnages et de détails, exclut toute idée de hasard, de création spontanée » et s’éloigne souvent de la sommaire facture impressionniste. 9 Ce sentiment d’aliénation est d’autant plus frappant quand il s’agit des scènes d’intérieur. Les qu ... 10Le Paris de Caillebotte n’est pas un espace saturé de communications mais un vide où évoluent des inconnus étrangers les uns aux autres9. La ville du plus parisien des peintres impressionnistes rappelle ainsi davantage la Cité Idéale de Piero della Francesca, espace austère, quadrillé et quasi dépeuplé, que celle de Renoir, Monet ou Pissarro, où les jeux de lumière mettent au contraire l’accent sur l’animation de la foule. Ses images prennent l’allure d’un décor théâtral, où l’homme devient le simple point de repère d’une organisation spatiale méthodique. Le silence, le temps suspendu, l’immobilisation des personnages, tout cela rappelle le moment précédant une représentation. Mais chez Caillebotte, la représentation n’a pas lieu. 11De fait, le peintre ne vise pas simplement à reproduire fidèlement des impressions visuelles. L’arrêt sur image qu’il nous propose détonne à l’époque de la spontanéité impressionniste. Loin de chercher à capter le temps qui s’écoule, l’instantané atmosphérique, la sensation éphémère, la mobilité des êtres, Caillebotte met à nu l’artifice qui se situe à la base de toute représentation. L’étrangeté du spectacle de la rue chez le peintre, la rareté des personnages, les effets de distanciation – le spectateur semble être séparé de l’espace urbain par une vitre qui en étouffe les rumeurs – suggèrent immédiatement que le vrai enjeu du peintre se trouve ailleurs. Plus que le sujet, c’est sa mise en scène qui importe. Mise en scène sophistiquée nécessaire pour obtenir les effets de réel. Les éléments de la composition deviennent des protagonistes à part entière, dans ces toiles qui nous frappent par leur structure souvent incongrue. La violence de la perspective, le refus d’unifier le champ pictural, le point de fuite décentré, la tension contradictoire entre le proche et le lointain, les points de vue déroutants font toute la modernité du peintre. En dernière instance, Caillebotte affirme la nécessaire prééminence du regard lui-même sur le motif. 10 Caillebotte réserve les titres descriptifs mais sans précision de l’angle de vue aux représentation ... 12Caillebotte s’interroge non sur ce qu’on regarde mais sur la façon dont on regarde, sur les conditions de la visibilité. Les titres que Caillebotte donne à ces toiles sont, à ce propos, tout à fait éloquents. Les titres descriptifs, topographiques » Boulevard des Capucines, Boulevard Montmartre, Rue Montorgeuil ou Place Clichy, fréquents chez les impressionnistes, deviennent Rue Halévy, vue d’un sixième étage, Boulevard vu d’en haut, Homme au balcon ou Au balcon tout court. C’est la position du spectateur, souvent inclus au premier plan, qui est déterminante. Le peintre reste avant tout fasciné par le travail du regard dans l’organisation de l’espace pictural, et dans l’introduction de points de vue inhabituels10. Homme au balcon Rue Halévy, vue d’un sixième étage 13Certes, faire du regard le point à partir duquel s’organise l’œuvre n’est pas nouveau. Cependant, la perspective classique visait à assujettir l’espace pictural au point de vue d’un spectateur idéal, de sorte que le tableau se donnait comme un prolongement naturel de l’espace réel. Cet effet est encore observable dans les tableaux impressionnistes, où de longues perspectives centrées semblent s’offrir sans solution de continuité au regard du spectateur. À leur encontre, Caillebotte cherche en permanence à remettre en question cette jouissance tranquille, en interdisant à notre regard un accès passif au champ de la représentation. Montrer explicitement l’activité visuelle déployée par le peintre et le spectateur face au tableau introduit ainsi un trouble dans nos habitudes visuelles. 11 On ne s’étonnera pas de l’importance que prend dans son œuvre la thématique du seuil et du bord ... 12 Jean Bernac, The Caillebotte Bequest to the Luxembourg », The Art Journal,1895, pp. 230-232, 308- ... 14La présence du regard dans l’œuvre de Caillebotte est systématique. Ses personnages, des passants, des flâneurs, des hommes debout au seuil d’une fenêtre ou sur un balcon sont tous absorbés dans le spectacle du paysage urbain11. Certains semblent toutefois se consacrer à une autre activité, qui vient masquer leur préoccupation essentielle. Avec Peintres en bâtiment 1877 la mise en scène est astucieuse. Le titre suggère qu’on aura la description réaliste d’une scène devenue courante dans cette période de rénovation de la capitale alors que Caillebotte nous montre en réalité deux personnages en train de contempler l’enseigne du magasin qu’ils sont censés peindre. Le premier, monté sur une échelle, observe les lettres peintes à quelques centimètres à peine, tandis que le second s’est éloigné afin d’avoir une vision d’ensemble. Dans un dessin préparatoire, l’homme sur l’échelle était présenté avec un bras tendu vers le haut, en train de peindre, alors que dans l’œuvre définitive, les deux personnages ont les bras croisés. La critique de l’époque trouve amusante cette scène de genre » des peintres en bâtiment regardent vaguement le petit travail que, sans nul doute, ils sont loin d’avoir achevé. L’attitude est des plus naturelles, et traduit parfaitement le côté flâneur de l’ouvrier parisien, qui est un brave type, gai et jovial, mais a quelque paresse de tempérament12 ». Une simple plaisanterie ? Et si ces deux peintres en bâtiment ? étaient une mise en abyme de la peinture comme regard ? Les deux hommes ont le même regard fixe, tourné dans la même direction. Absorbés dans cette activité, ils sont comme des allégories de la vision. Curieusement, les lettres de l’enseigne restent indéchiffrables. Ce regard si concentré serait-il aveugle ? Manquerait-il de la distance nécessaire pour donner un semblant d’organisation à la complexité de l’espace urbain ? Peintres en bâtiment 13 Caroline Mathieu, Gustave Caillebotte et le nouveau Paris », in Au cœur de l’impressionnisme, op. ... 15La peinture comme jeu des regards devient pratiquement l’image de marque de Caillebotte. Ainsi, avec Intérieur, femme à la fenêtre, 1880, la femme, figure principale de cette toile, est vue de dos, face une fenêtre imposante, qui remplit pratiquement la moitié de la surface du tableau. Symétriquement, de l’autre côté de la rue, une autre personne, se trouve à sa fenêtre. Cette figure minuscule, que le spectateur découvre seulement en suivant la ligne des rideaux écartés, est comme écrasée par la taille disproportionnée du personnage féminin. La composition obéit au schéma des regards qui se croisent sans se rencontrer. L’impossibilité de déchiffrer le sens de l’œuvre est accentuée par l’enseigne dorée, placée de l’autre côté du boulevard. Cinq majuscules d’or s’installent au centre du tableau et accaparent l’attention du spectateur sans pour autant livrer la nature du lieu qu’elles annoncent. Par contre, nous pouvons facilement imaginer l’atmosphère qui règne dans ces intérieurs, ces images évocatrices du désœuvrement dans ces intérieurs bourgeois que connaît bien le peintre, et qui trouve une résonnance dans la ville abandonnée et silencieuse13 ». 14 Comme souvent, Caillebotte se sert comme modèles des personnes proches de lui. Ici, c’est son frère ... 15 Charles Ephrussi, Gazette des Beaux-Arts, 1880. 16L’effet de distanciation, caractéristique des toiles de Caillebotte, est dû à une séparation marquée entre le champ pictural et le spectateur. La vision est en effet fréquemment détournée nous avons avant tout un point de vue sur un autre point de vue. Le regard ne pénètre pas directement dans l’espace de la représentation, il est relayé par celui d’un personnage au premier plan, dont la seule activité est d’observer. Un des premiers tableaux de ce type, Jeune homme à la fenêtre, date de 1876. Un homme vu de dos, légèrement tourné vers la droite, appuyé sur une rambarde, observe d’une fenêtre une rue presque déserte14. Placé dans un intérieur, ce personnage est protégé du vide par une balustrade de pierre. Le sentiment de vertige, fréquent dans d’autres tableaux de Caillebotte, est ici évité. Pourtant, le spectateur reste sur une impression d’étrangeté. Reprenant un thème courant chez les romantiques, la fenêtre ouverte, ce tableau joue sur le montage » entre le premier et troisième plan pour produire un effet inédit. Caillebotte utilise en effet un mode de composition où le premier plan et l’arrière-plan semblent entrer en collision. Le grossissement du premier plan est si poussé, le bas de la toile est si exagérément réduit la silhouette de la femme sur le bord du trottoir est minuscule, l’effet de raccourci est tel, que l’espace devient irréel. Quel dommage, regrette la critique, que chez Mr Caillebotte, qui a certaines qualités de peintre, les plans successifs n’existent pas, les distances soient supprimées15. Cette technique, qui vient de la peinture japonaise et qu’on nomme la chute du second plan » Shigemi Inaga, 1984, explique l’effet de télescopage spatial » que produisent souvent les toiles de Caillebotte où la réduction de l’échelle dans la profondeur introduit une sensation incongrue. 16 Au-dedans, c’est par la fenêtre que nous communiquons avec l’extérieur… le cadre de la fenêtre, s ... 17 Dans S/Z, Roland Barthe écrit Toute description est une vue. On dirait que l’énonciateur, avant d ... 17Le thème du personnage à la fenêtre devient un motif de prédilection chez l’artiste, qui en propose de nombreuses versions autour des années 1880. Frontière ou seuil entre le dedans et le dehors, la fenêtre suscite, par sa transparence, le regard c’est un poste d’observation privilégié de la réalité extérieure16. De plus, les possibilités de cadrage différent amplifient son rôle d’ échangeur » entre l’espace intérieur et extérieur la fenêtre a ainsi, dans la peinture de Caillebotte, un rôle actif dans la construction du tableau17. En d’autres termes, pour l’art moderne, émancipé de la narration, le cadrage devient à la fois une nécessité et un défi. 18L’augmentation du nombre des étages dans les immeubles de rapport accentue la hauteur et la verticalité du point de vue. Dans un univers où les femmes sont confinées aux intérieurs », ce sont les hommes qui regardent aux balcons, la vogue de ces derniers datant de la période haussmannienne. Ces balcons en corniche permettent d’étonnantes vues plongeantes sur la rue parisienne. Les panoramas peints par Caillebotte sont des visions éloignées que le peintre situe en dehors de la scène représentée. Ainsi avec Homme au Balcon, boulevard Haussmann, de 1880, le point de vue se trouve approximativement à l’endroit habité par le peintre à cette époque, à l’angle de la rue Gluck. Un homme en redingote et chapeau haut-de-forme nous tourne le dos. Son regard traverse le tableau en diagonale, imposant un axe d’orientation au spectateur. 19Daté de la même année, Un balcon montre deux personnages dont l’un se penche sur la rampe du balcon et observe le paysage urbain, tandis que l’autre s’adosse de façon nonchalante à la façade de l’immeuble. Les visages sont flous ; la vue de profil accentue l’anonymat de ces hommes qui ne sont plus que des instruments d’optique. Le regard du spectateur suit une ligne étrangement perpendiculaire à celle, fuyante et accélérée, de la perspective. Comme souvent chez Caillebotte, cette toile joue sur la tension entre un regard qui s’approche et un regard qui s’éloigne. Toutefois, nous ne saurons jamais ici ce que scrutent ces deux regards. La vue sur la rue se perd dans les feuillages. L’événement se situe hors de la toile, de la même façon que le spectateur. Nous restons face à une énigme. 18 Petit ilot de trottoir sur lequel se dresse la forme élancée d’un réverbère, semblable à un phare ... 20Caillebotte poursuit son entreprise de façon systématique. Avec Un refuge, boulevard Hausmann 1880, probablement inspiré par les progrès de la photographie, le regard surplombe un énorme rond-point. L’écrasement de la perspective, la taille minuscule des personnages créent un sentiment de vertige. Situés sur la circonférence de la place, réduits à deux touches noires à peine étoffées par l’ombre de leurs silhouettes, ces personnages semblent placés sur un cadran solaire qui paraît étrangement flotter dans un espace vide18. Inversement, Caillebotte peut faire du point de vue le véritable sujet de son tableau. Dans Vue prise à travers un balcon 1880, le balcon, cet avant-poste d’observation du paysage urbain, se réduit à sa balustrade, qui interpose entre le regard et la ville ses arabesques de métal. 19 A. Joanna, Paris illustré en 1870 et 1877, Guide de l’étranger et du Parisien, Paris, Hachette, 187 ... 21Vu de près ou vu de loin, le paysage urbain de Caillebotte reste toujours intrigant. La vision est ici plus complexe, moins naturelle que celle des impressionnistes. Le regard reste celui d’un bourgeois, contemplant les quartiers de sa classe. Cependant, cette ville n’est pas le lieu idyllique décrit par Monet ou Renoir. Chez ces derniers, les boulevards sont de larges percées dans lesquelles le spectateur est invité à pénétrer. Embellie, la ville se présente comme un monde sans conflit, unifié et cohérent. La foi profonde des impressionnistes dans le progrès, leur vision positiviste, leur permet de donner une image parfaitement optimiste de l’espace urbain. Leurs toiles seront une parfaite illustration de la description que propose le Guide de l’étranger et du Parisien, en évoquant la révolution haussmannienne qui créa avec amour la véritable promenade de l’avenir, le véritable jardin de la nation émancipée, les boulevards19 ». 20 Kirk Varnedoe, op. cit., p. 88. 22Citons pour la dernière fois Kirk Varnedoe qui écrit avec justesse Quand les autres artistes prenaient la ville pour sujet, ils voyaient comme Monet une profusion de formes et de lumières, un paysage grouillant… Là où ces artistes nous montrent une foule bigarrée, Caillebotte nous donne à voir le vide qui s’étire dans des perspectives interminables et n’accueille que des flâneurs isolés. Tandis que d’autres chantent le foisonnement pittoresque, Caillebotte propose laconiquement un échantillonnage sélectif dans le cadre d’un ordre rigoureux20 ». 21 Danielle Chaperon, op. cit., p. 68. 23Les boulevards qui deviennent l’espace social sont le signe le plus visible du triomphe de la bourgeoisie à laquelle appartient Caillebotte. Mais, sa position de peintre, celui qui prend du recul face au visible fait que Caillebotte, comme ses personnages, y appartient sans y adhérer. La question de la bonne distance, ce double mouvement de rapprochement et d’éloignement traverse tout son travail pictural. Le regard qu’il pose sur le regard, cette façon d’entrer dans l’œuvre par procuration, peut-on dire, atteste qu’il fut un étranger parmi les siens, à la fois proche et séparé de tous, de plain-pied au bord d’un vide21 ». 24Face à la ville, à l’instar de Degas ou Manet, Caillebotte est, l’histoire nous l’a prouvé, lucide. La collision et l’hétérogénéité des espaces urbains, l’impossibilité d’en donner une image unifiée, le sentiment de vertige contredisent l’apparente régularité de l’ordre urbain. L’œuvre de Caillebotte nous permet ainsi de percevoir les signes encore discrets de l’inhumanité des métropoles modernes. Le caractère mélancolique de ces toiles indique que la modernité de la ville haussmannienne est déjà perçue avec un regard nostalgique. Dans la ville impressionniste résonnent toujours les échos des sujets de prédilection de ces peintres, les paysages de campagne. Caillebotte, lui, fuira l’inquiétante étrangeté du paysage urbain pour l’harmonie des visions de la nature. Ce n’est peut-être que face à l’étendue illimitée de la plaine La Plaine de Gennevilliers, champs jaunes, 1884 que le peintre atteindra enfin la sérénité. Haut de page Notes 1 Pissarro écrit en 1897 à son fils, Lucien Ce n’est peut-être très esthétique, mais je suis enchanté de faire ces rues de Paris que l’on a l’habitude de dire laides, mais qui sont si argentées, si lumineuses et si vivantes... C’est moderne en plein », Camille Pissarro, Lettres à son fils Lucien, présentée par John Rewald, Paris, Albin Michel, 1950, p. 447. 2 Nos artistes doivent trouver la poésie des gares, comme leurs pères ont trouvé celle des forêts et des fleuves », affirme Émile Zola en 1877. 3 On ne verra jamais chez eux les plis sinueux des vieilles capitales », C. Baudelaire, Les petites villes », Tableaux parisiens, XCI, Les Fleurs du mal, in Œuvres complètes, Genève, 1975, p. 254. 4 Kirk Varnedoe, Gustave Caillebotte, Paris, Adam Biro, 1988, p. 88. 5 Présenté à l’exposition impressionniste de 1877, le tableau reçoit un accueil plutôt favorable M. Caillebotte n’est impressionniste que de nom. Il sait dessiner et peint plus sérieusement que ses confrères », lit-on dans la Petite République française du mois d’avril. 6 Bertail, Le Soir, 1876. 7 E. Lepelletier, Le Radical, 1877 8 Kirk Varnedoe, op. cit. 9 Ce sentiment d’aliénation est d’autant plus frappant quand il s’agit des scènes d’intérieur. Les quelques toiles qui figurent des couples semblent réunir deux personnes étrangères l’une à l’autre, qui se côtoient sans être ensemble. 10 Caillebotte réserve les titres descriptifs mais sans précision de l’angle de vue aux représentations urbaines dans lesquelles le spectacle se situe à la hauteur des yeux. Place Saint-Augustin, temps brumeux 1878 ou La Caserne de la Pépinière 1878 11 On ne s’étonnera pas de l’importance que prend dans son œuvre la thématique du seuil et du bord appuis de fenêtre, pas-de-portes, grilles de balcons, bordures de massif, accotements, débarcadères, marquent la place du peintre ou des personnages qu’il délègue à la contemplations des paysages ou des intérieurs », Danielle Chaperon, Caillebotte, peintre du plain pied, Point de vue naturalistes », Au cœur de l’impressionnisme, Lausanne, Fondation l’Hermitage, 2005, p. 64. 12 Jean Bernac, The Caillebotte Bequest to the Luxembourg », The Art Journal,1895, pp. 230-232, 308-310, 358-361. 13 Caroline Mathieu, Gustave Caillebotte et le nouveau Paris », in Au cœur de l’impressionnisme, op. cit., p. 29. 14 Comme souvent, Caillebotte se sert comme modèles des personnes proches de lui. Ici, c’est son frère cadet, René, mort la même année. 15 Charles Ephrussi, Gazette des Beaux-Arts, 1880. 16 Au-dedans, c’est par la fenêtre que nous communiquons avec l’extérieur… le cadre de la fenêtre, selon que nous sommes loin ou près, que nous nous tenons assis ou debout, découpe le spectacle extérieur de la manière la plus inattendue », Edmond Duranty, La Nouvelle Peinture, Paris, 1876. 17 Dans S/Z, Roland Barthe écrit Toute description est une vue. On dirait que l’énonciateur, avant de décrire, se poste à la fenêtre, non tellement pour bien voir, mais pour fonder ce qu’il voit par son cadre même l’embrassure fait spectacle. Décrire, c’est donc placer le cadre vide que l’auteur réaliste transporte toujours avec lui », Roland Barthes, S/Z, Paris, Seuil, 1970, coll. Points », pp. 61-62. 18 Petit ilot de trottoir sur lequel se dresse la forme élancée d’un réverbère, semblable à un phare au milieu du flot déchaîné par des voitures. Cette île de salut est sans doute l’invention la plus originale et la plus grandiose de l’urbanisme moderne », Camille Sitte, L’art de bâtir les villes l’urbanisme sur ses fondements artistiques, Paris, éd de l’Equerre, 1980, p. 102 19 A. Joanna, Paris illustré en 1870 et 1877, Guide de l’étranger et du Parisien, Paris, Hachette, 1877, p. 44, cité in Julia Sagraves La Rue », Caillebotte, Grand Palais, 1995, p. 144. 20 Kirk Varnedoe, op. cit., p. 88. 21 Danielle Chaperon, op. cit., p. 68. Haut de page Pour citer cet article Référence électronique Itzhak Goldberg, La vision de la ville par les impressionnistes et par Caillebotte », Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem [En ligne], 24 2013, mis en ligne le 20 juin 2013, consulté le 23 août 2022. URL de page Auteur Itzhak Goldberg Itzhak Goldberg est professeur en histoire de l’art à l’Université Jean Monnet, St Étienne. Il se spécialise en histoire de l’art moderne. Il est critique à Beaux Arts Magazine et parmi ses publications principales figurent Jawlensky ou le visage promis, Paris, éd. L’Harmattan, coll. Ouvertures philosophiques », 1998, Le Visage qui s’efface – de Giacometti à Baselitz, Toulon, Hôtel des Arts, 2008 et Installer à paraître, 2013. Il a également publié de nombreux articles dans des catalogues et des de page Droits d’auteur Tous droits réservésHaut de page
Dans les plis sinueux des vieilles capitales » Comme le dit Saint-Jean : « Au commencement était le Verbe. » Et aussi : « La lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas trouvée. » (Jean 2,5.) L’écriture est quand même la meilleure trace de ce qui a lieu. Alors, il faut être très sévère avec soi-même. Dans une de mes lettres, je lui dis en

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Lepoète français les campe dans les jardins publics, mais au fond, c'est comme à l'hôpital : «Dans les plis sinueux des vieilles capitales,/ Où tout, même l'horreur, tourne aux A Victor HugoIDans les plis sinueux des vieilles capitales,Où tout, même l'horreur, tourne aux enchantements,Je guette, obéissant à mes humeurs fatalesDes êtres singuliers, décrépits et monstres disloqués furent jadis des femmes,Éponine ou Laïs ! Monstres brisés, bossusOu tordus, aimons-les ! ce sont encor des des jupons troués et sous de froids tissusIls rampent, flagellés par les bises iniques,Frémissant au fracas roulant des omnibus,Et serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques,Un petit sac brodé de fleurs ou de rébus ;Ils trottent, tout pareils à des marionnettes ;Se traînent, comme font les animaux blessés,Ou dansent, sans vouloir danser, pauvres sonnettesOù se pend un Démon sans pitié ! Tout cassésQu'ils sont, ils ont des yeux perçants comme une vrille,Luisants comme ces trous où l'eau dort dans la nuit ;Ils ont les yeux divins de la petite filleQui s'étonne et qui rit à tout ce qui Avez-vous observé que maints cercueils de vieillesSont presque aussi petits que celui d'un enfant ?La Mort savante met dans ces bières pareillesUn symbole d'un goût bizarre et captivant,Et lorsque j'entrevois un fantôme débileTraversant de Paris le fourmillant tableau,Il me semble toujours que cet être fragileS'en va tout doucement vers un nouveau berceau ;A moins que, méditant sur la géométrie,Je ne cherche, à l'aspect de ces membres discords,Combien de fois il faut que l'ouvrier varieLa forme de la boîte où l'on met tous ces Ces yeux sont des puits faits d'un million de larmes,Des creusets qu'un métal refroidi pailleta...Ces yeux mystérieux ont d'invincibles charmesPour celui que l'austère Infortune allaita !IIDe Frascati défunt Vestale enamourée ;Prêtresse de Thalie, hélas ! dont le souffleurEnterré sait le nom ; célèbre évaporéeQue Tivoli jadis ombragea dans sa fleur,Toutes m'enivrent ; mais parmi ces êtres frêlesIl en est qui, faisant de la douleur un mielOnt dit au Dévouement qui leur prêtait ses ailes Hippogriffe puissant, mène-moi jusqu'au ciel !L'une, par sa patrie au malheur exercée,L'autre, que son époux surchargea de douleurs,L'autre, par son enfant Madone transpercée,Toutes auraient pu faire un fleuve avec leurs pleurs !IIIAh ! que j'en ai suivi de ces petites vieilles !Une, entre autres, à l'heure où le soleil tombantEnsanglante le ciel de blessures vermeilles,Pensive, s'asseyait à l'écart sur un banc,Pour entendre un de ces concerts, riches de cuivre,Dont les soldats parfois inondent nos jardins,Et qui, dans ces soirs d'or où l'on se sent revivre,Versent quelque héroïsme au coeur des droite encor, fière et sentant la règle,Humait avidement ce chant vif et guerrier ;Son oeil parfois s'ouvrait comme l'oeil d'un vieil aigle ;Son front de marbre avait l'air fait pour le laurier !IVTelles vous cheminez, stoïques et sans plaintes,A travers le chaos des vivantes cités,Mères au coeur saignant, courtisanes ou saintes,Dont autrefois les noms par tous étaient qui fûtes la grâce ou qui fûtes la gloire,Nul ne vous reconnaît ! un ivrogne incivilVous insulte en passant d'un amour dérisoire ;Sur vos talons gambade un enfant lâche et d'exister, ombres ratatinées,Peureuses, le dos bas, vous côtoyez les murs ;Et nul ne vous salue, étranges destinées !Débris d'humanité pour l'éternité mûrs !Mais moi, moi qui de loin tendrement vous surveille,L'oeil inquiet, fixé sur vos pas incertains,Tout comme si j'étais votre père, ô merveille !Je goûte à votre insu des plaisirs clandestins Je vois s'épanouir vos passions novices ;Sombres ou lumineux, je vis vos jours perdus ;Mon coeur multiplié jouit de tous vos vices !Mon âme resplendit de toutes vos vertus !Ruines ! ma famille ! ô cerveaux congénères !Je vous fais chaque soir un solennel adieu !Où serez-vous demain, Èves octogénaires,Sur qui pèse la griffe effroyable de Dieu ?
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TABLE DES MATIERES Chapitre 1. INTRODUCTION 2. PRESENTATION ET ANALYSE DU POEME LES FENETRES » DE CHARLES BAUDELAIRE 3. PRESENTATION ET ANALYSE DU POEME LES FENETRES » DE STÉPHANE MALLARMÉ 4. PRESENTATION ET ANALYSE DU POEME LES FENETRES » DE GUILLAUME APPOLINAIRE 5. PRESENTATION ET ANALYSE DU POEME LES FENETRES » DE MARIE KRYSINSKA 6. ETUDE COMPARATIVE DES QUATRE POEMES L’unité et les différences thématiques dans les quatre poèmes L’hétérogénéité générique et stylistique des quatre poèmes Les quatre poèmes et l’évolution des formes poétiques entre symbolisme et futurisme/surréalisme. 7. L’ORIGINALITE DE L’ŒUVRE DE KRYSINSKA ET L’ORIGINE DU VERS LIBRE 8. CONCLUSIONS BIBLIOGRAPHIE ANNEXES CHAPITRE 1 INTRODUCTION Charles Baudelaire 1821-1867, Stéphane Mallarmé 1842 -1898, Marie Krysinska 1857-1908 et Guillaume Apollinaire 1880-1918 ont pris pour thème Les fenêtres » dans leur poésie. Cette thématique commune est le point de départ de cette étude comparative et intertextuelle à partir des quatre poèmes suivants 1 Les fenêtres » de Charles Baudelaire dans Le Spleen de Paris XXXV, 1869. 2 Les fenêtres » de Stéphane Mallarmé dans Le Parnasse Contemporain, 1863/66. 3 Les fenêtres » de Marie Krysinska dans Rythmes Pittoresques, 1890. 4 Les fenêtres » de Guillaume Apollinaire dans Calligrammes, 1913-1916.[1] Nous chercherons à souligner ce qui distingue ces quatre textes en suivant l’évolution des formes poétiques entre Baudelaire et les débuts du symbolisme et le futurisme/surréalisme. Le thème commun Les fenêtres » permet en effet de mieux mettre en valeur l’hétérogénéité formelle qui sépare ces différentes voies poétiques » avec Baudelaire, la nouveauté du poème en prose ; avec Mallarmé, le renouvellement symboliste d’une forme plus classique ; avec Apollinaire, une forme simultanéiste inspirée du futurisme. Nous ne traitons pas du poème de Krysinska dans l'ordre chronologique pour deux raisons. La première est que cette étude porte avant tout sur les aspects thématiques et formels ainsi que sur les différences génériques et stylistiques qui distinguent ces quatre poèmes. Chaque poème fera l’objet d’une introduction, puis d’une analyse chapitres 2, 3, 4 et 5. Le chapitre 6 de l’étude présentera le contraste entre l’unité thématique des quatre poèmes et leur hétérogénéité formelle. Ce contraste permet de mieux comprendre l’évolution des formes poétiques entre symbolisme et futurisme/surréalisme. La deuxième raison est que nous chercherons à mettre en valeur l’originalité du poème de Krysinska. Si les trois autres poèmes sont déjà très connus et ont fait l'objet d'études comparatives.[2]En revanche celui de Krysinska n'est dans ce cadre jamais mentionné. En outre, son œuvre n’a guère retenu l’attention de la critique. Dans le chapitre 7, nous traiterons enfin de la question de l’origine du vers libre dans la poésie française dont l'invention est l'objet de maintes controverses. On étudiera l'apport de Marie Krysinska et le rôle significatif qu'elle a pu jouer dans l'avénement de cette nouvelle forme. Contre le discours officiel, elle s'est en effet présentée comme l’inventrice du genre. CHAPITRE 2 PRESENTATION ET ANALYSE DU POEME DE CHARLES BAUDELAIRE Les fenêtres » par Charles Baudelaire Introduction Le poème en prose Les fenêtres » par Charles Baudelaire se trouve dans le recueil Le spleen de Paris petits poèmes en prose.[3]Il fut tout d’abord publié le 10 décembre 1863 dans la Revue nationale et étrangère.[4]L’ensemble des poèmes en prose ne sera publié pour la première fois qu’en 1869 dans le tome IV des Œuvres complètes du poète, deux ans après sa mort.[5] Le poème et la poésie de la Modernité C’est en 1857 que Baudelaire songe à un recueil de textes en prose.[6]Dans une lettre à Arsène Houssaye, Baudelaire parle du Miracle d’une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s’adapter aux mouvements de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience. »[7] Dans le poème en prose le jeu des strophes reproduit celui de la disposition des objets ou des motifs ». Cette disposition sert de principe d’énonciation et de déploiement du poème ».[8]Ces poèmes présentent à la fois une discontinuité des fragments et une unité du tout poétique. Ainsi, d’un point de vue générique la poéticité du texte est constituée par 1 les effets descriptifs et allégoriques et non par la narrativité linéaire ; 2 l’importance accordée aux images qui sont au cœur de l’unité organique et de l’autonomie du poème ; 3 l’emploi des licences poétiques comme véritables figures ou effets poétiques et 4 la référence aux grands thèmes de la modernité, en particulier de la ville, l’imaginaire et les objets, les choses » de la vie courante.[9] La fenêtre est associée à la ville. Elle est un reflet de cet espace foisonnant et paradoxal de la modernité qu’est la grande ville ».[10]La fenêtre est le point de départ de la réflexion du narrateur sur la ville. Celle-ci est au cœur de la modernité qu’il ressent comme le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’eternel et l’immuable. »[11]Les vagues de toits » dans Les fenêtres » dépeignent l’expérience moderne de la grande ville, l’anonymat et l’indifférence qui la caractérisent.[12]C’est par-delà les vagues de toits » que le poète aperçoit une femme mûre, ridée déjà, pauvre, toujours penchée sur quelque chose, et qui ne sort jamais. » Cette vieille femme rappelle la bonne vieille » du poème Le désespoir de la vieille » qui se retira dans sa solitude éternelle ».[13] La poésie de la Modernité inaugurée par le poète est donc celle d’un regard à la fois sur la ville et ses habitants. C’est dans ce sens que le poème en prose de Baudelaire constitue une révolution et ouvre une voie nouvelle dans l’art de la poésie. Baudelaire a l’ambition de faire du poème en prose la forme par excellence de la poésie moderne et urbaine ».[14] Les poèmes en prose, dans l’esprit de Baudelaire, restent toutefois dans la continuité de son œuvre poétique. On trouve de nombreux doublets entre les poèmes versifiés et les poèmes en prose tels que Les Crépuscules du soir » ou encore l’Horloge » qui portent des titres identiques pour chaque poème. Cette continuité se vérifie donc au niveau de la thématique des poèmes en prose. En comparant l’Invitation au voyage » dans sa version versifiée et dans les petits poèmes en prose, on trouve une très large communauté d’inspiration avec la reprise dans la prose des principaux réseaux thématiques du poème en vers ».[15]Les petites vieilles » rampent ou trottent dans les plis sinueux des vieilles capitales » ; elles cheminent à travers le chaos des vivantes cités ».[16] Les fenêtres » reprend le thème de la vieille dame ; le narrateur refait l’histoire de cette femme ». Analyse du poème Structure Les Fenêtres » de Charles Baudelaire est un poème de prose composé de cinq courts paragraphes. Deux paragraphes monophrastiques se trouvent entre les deuxième et cinquième paragraphes. L’observateur nous convie à une méditation sur le sens d’une existence et de ses souffrances. Dans le premier paragraphe l’auteur part du réel une fenêtre éclairée d’une bougie. Le paragraphe suivant nous fait découvrir une femme mûre » et la légende » de sa vie. Dans ce deuxième paragraphe et les trois qui suivent le poème est écrit à la première personne. Le poème devient plus personnel. Ce n’est plus quelqu’un d’anonyme qui regarde dans ce trou noir ou lumineux » mais un narrateur homodiégétique. Le dernier paragraphe s’adresse au lecteur et le fait participer à l’expérience, à la réflexion de l’observateur. Thématique Les thèmes dominants du poème sont ceux de la vision, la vie, la lumière, la souffrance.[17] Le poème manifeste une prédilection pour les contrastes. Contrastes entre ce qui est ténébreux et ce qui est éblouissant ; entre ce qu’on peut voir au soleil et ce qui se passe derrière une vitre. Contrastes entre la vie et la femme ridée ; entre ce qui est éblouissant et le trou noir ; entre la vie et la souffrance. Les antithèses abondent dès le premier paragraphe fenêtre ouverte/fenêtre fermée ; ténébreux/éblouissant ; ce qu’on peut voir au soleil/ ce qui se passe derrière une vitre ; trou noir ou lumineux. La fenêtre du poème est un objet mystérieux » et fécond ». Les antithèses nous font entrevoir un mystère qui se cache derrière la fenêtre. Dans trou noir ou lumineux », l’antithèse est marquée au moyen de la coordination ou ». Les contrastes aident le lecteur à suivre une progression de la fenêtre ouverte à celle qui est fermée ; de la femme mûre à sa légende ; de la légende à ce qui aide la poète à vivre. Dans le premier paragraphe, la fenêtre » devient une vitre » derrière laquelle vit la vie, rêve la vie, souffre la vie ». Le mot vitre » permet la transition dans la progression du poème vers ce qui est plus intéressant ». On peut noter l’allitération en v » qui accompagne cette transition. A partir du deuxième paragraphe le mot fenêtre » n’apparaît plus. Toute l’attention se porte sur la femme mûre ». L’observateur est à présent celui qui aperçoit cette femme, qui refait son histoire et se la raconte à lui-même. La vieillesse, la pauvreté et la solitude d’une femme ou d’un pauvre vieux homme » constituent une légende et nourrissent l’imagination du poète. La légende de la femme mûre fait pleurer le poète ; il participe à sa souffrance. Le texte offre un contraste entre le moi » ou moi-même » du poète et d’autres que moi-même », entre la réalité placée hors de lui et son être intime. Dans le dernier paragraphe le narrateur fait intervenir le lecteur. Ce dernier se pose la question de la véracité de la légende. La réponse du poète fait encore appel au contraste, à l’antithèse. Cette légende placée hors du poète l’aide pourtant à vivre, à savoir qu’il existe et ce qu’il est. C’est ce qui importe et non la véracité de la légende. La première partie du poème coïncide avec le premier paragraphe. Elle est marquée par la répétition du mot fenêtre ». Les trois premières phrases de ce paragraphe sont comparatives. Elles utilisent les trois comparatifs autant », plus » et moins ». Le comparatif plus » dans la deuxième phrase est répété à quatre reprises. Ce type de répétition ressemble à l’anaphore. Dans ce cas il s’agit plutôt de reduplications en début de syntagmes et qui créent des parallélismes et un effet d’insistance. Dans le premier paragraphe, l’insistance se porte sur le pouvoir évocateur de la fenêtre éclairée d’une chandelle ». Dans la première phrase le thème de la vision s’appuie sur les verbes regarder et voir. La répétition du mot plus » dans la deuxième phrase fournit à ce premier paragraphe une bonne part de sa poéticité ; cette structure syntagmatique crée un effet de progression avec une série d’homophonies – profond »/ fécond »/ mystérieux »/ ténébreux ». Elle se renforce sur le plan sémantique de ce qui est profond et mystérieux, ténébreux, vers ce qui est éblouissant. La troisième phrase remplace le mot fenêtre » par un de ses métonymes vitre ». Mais cette vitre est aussitôt décrite par la métaphore d’un trou noir ou lumineux ». Le premier paragraphe offre une transition entre la fenêtre », la vitre », le trou noir ou lumineux » puis la vie ». La fenêtre est une vitre », le reflet de la vie. Les allitérations des mots vitre » avec vit » et vie » contribuent à cette progression. L’opposition polaire entre ténébreux » et éblouissant » se retrouve dans la dernière phrase de ce paragraphe trou noir ou lumineux ». La vie apparaît à travers un objet qui est à la fois ténébreux et éblouissant et un trou noir et lumineux ». Le second paragraphe décrit à la première personne cette vision qui émerge de la fenêtre. Dès la première phrase l’observateur aperçoit une femme mûre ». Alors que les vagues de toit » évoquent le mouvement, la femme est décrite comme un être immobile. En outre, l’observateur voit maintenant les choses de plus haut, depuis les vagues de toit ». Le poème oppose le mouvement de la ville à l’immobilité de la vieille femme toujours penchée sur quelque chose » et qui ne sort jamais ». Trois mots décrivent l’état de la vieille femme elle est ridée », pauvre » et penchée avec ridée » en antéposition par rapport à déjà ». La triple répétition de la préposition avec » rappelle la structure de la deuxième phrase au premier paragraphe. Cette structure produit un effet de parallélisme interphrastique et d’insistance. Ces reduplications dans les deux paragraphes contribuent à la cohérence formelle du texte et donc à sa poéticité. Cette reduplication focalise sur le visage, puis sur le vêtement et le presque rien » qui permettent de refaire l’histoire de cette femme ». Dans le poème nous sommes donc passés d’une fenêtre, un trou noir », à un visage et d’un visage à une histoire. La vision permet au poète de refaire l’histoire de cette femme. Cette histoire est sombre puisque le poète pleure lorsqu’il se la raconte à lui-même. L’imaginaire occupe une place importante puisque c’est le narrateur qui refait » l’histoire de cette femme avec presque rien ». En outre, il ne s’agit pas simplement d’une histoire mais d’une légende. Une vieille femme ridée et qui ne sort jamais devient le sujet qui permet au poète d’imaginer, de créer toute une légende. Dans la phrase qui suit l’auteur nous assure que l’histoire imaginaire qu’il se refait pourrait tout aussi bien être celle d’un vieux homme ». Le fait qu’il s’agit d’un vieux » et non d’une vieille est accentue par la liberté de ne pas écrire vieil homme » mais plutôt vieux homme ». Dès le mot vieux » les allitération en v » nous ramènent aux thèmes essentiels du premier paragraphe vitre », vit », vie » et annoncent les thèmes qui suivent vécu », vraie », vivre ». La phrase qui suit est une conclusion. Tout ce qui précède se rapporte au thème de la souffrance inhérente à la vie. L’observateur a su voir par-delà la fenêtre, le trou noir ». Il trouve une satisfaction, une fierté, à avoir souffert à travers la vision de la vieille. Cette vision l’a aidé à vivre. Finalement le poème s’adresse au lecteur et lui attribue une question sur la véracité de cette légende. Cette question vient du fait que l’imaginaire a joué un rôle important dans la fabrication de cette légende. La réponse du poème est que la véracité n’est pas ce qui prime. La réalité placée hors du poète n’est pas ce qui importe mais plutôt le fait qu’elle l’a aidé à vivre. Cette dernière phrase confirme ce qu’annonce le premier paragraphe ce qu’on voit à travers une fenêtre fermée est plus profond, plus éblouissant, plus intéressant que ce qu’on voit à travers une fenêtre ouverte. Le trou noir est devenu un trou lumineux. L’observateur est à présent éclairé sur un mystère ; il est à présent détenteur d’une légende qui l’aide à vivre. La vision de la vieille a aidé l’observateur à mieux sentir sa propre existence, sa propre personne. CHAPITRE 3 PRESENTATION ET ANALYSE DU POEME DE STEPHANE MALLARME Les Fenêtres » par Stéphane Mallarmé Introduction Stéphane Mallarmé écrit les Fenêtres » en 1863 au début de sa carrière, à l’âge de 21 ans. Baudelaire rédige son poème les fenêtres » la même année. Le poème de Mallarmé sera ensuite publié le 12 mai 1866 dans la onzième livraison du Parnasse Contemporain. Dans la présente étude nous basons notre analyse sur le texte publié dans Album de vers et prose 1887-1888.[18] Analyse Structure Le poème est rédigé dans une langue claire, dénuée de l’hermétisme propre à Mallarmé. De forme très classique le poème est composé de dix quatrains écrits en alexandrins. Les rimes du poème sont croisées et sont pauvres. Le poème suit la règle classique de l’alternance de rimes féminines et masculines ; par exemple fétide/vide et rideaux/dos 1ère strophe. Les cinq premiers quatrains dépeignent un moribond qui s’efforce de voir du soleil » en collant son visage aux fenêtres de son hôpital. Dans les cinq quatrains qui suivent le narrateur s’accroche » aux fenêtres et se mire » en elles pour y voir l’Infini. Cependant, les fenêtres constituent un obstacle. Le narrateur se projette par le rêve et l’imaginaire au-delà de cet obstacle. Mais, en fin de compte, il reste prisonnier du réel. Le texte est empreint de tristesse, d’amertume. La vitre » qui produit une séparation entre le monde réel et l’idéal en est un exemple Est-il moyen, ô Moi qui connais l’amertume, D’enfoncer le cristal par le monstre insulté, Selon Bénichou, le poème frappe par la virulence de son pessimisme ».[19]Lorsqu’il envoie le manuscrit à son ami Cazalis, Mallarmé lui adresse une lettre dans laquelle il affirme illustrer par ce poème sa conviction selon laquelle le bonheur ici-bas est ignoble […] J’ai fait sur ces idées un petit poème, Les Fenêtres, je te l’envoie. »[20] Analyse Le lexique développe principalement quatre thèmes 1/ La religion et le religieux.[21] 2/ Le malheur et la souffrance.[22] 3/ La beauté, l’art, la lumière.[23]4/ Le corps humain. [24] Les cinq premiers quatrains décrivent le moribond de l’hôpital. Les cinq quatrains qui suivent sont écrits à la première personne. Le narrateur dépeint son dégoût d’une existence qui se heurte aux contraintes d’Ici Bas ». Selon Bénichou le vieux moribond des Fenêtres et Mallarmé font une fraternité ». Il ajoute que l’hôpital n’est pas une figure symbolique de la vie, c’en est une variante ».[25] [...] [1]Au cours d’une présentation en classe du poème de Marie Krysinska, le professeur Michel Sirvent me fit remarquer l’existence des trois autres poèmes sur le thème des fenêtres » ainsi que leur hétérogénéité formelle et comment l’étude de ces poèmes pouvait constituer le thème d’un mémoire de Maîtrise. Je dois donc au professeur Sirvent l’idée de ce mémoire. [2]Nous nous référons, en particulier, à l’article de Renée Linkhorn, Les fenêtres propos sur trois poèmes.” French Review 1971 513-522. [3]Claude Pichois, Baudelaire, oeuvres complètes I Paris NRF Gallimard, 1977 339. Le poème est reproduit en annexe de cette thèse. [4]Dominique Rincé, Baudelaire et la modernité poétique Paris Presses Universitaires de France, 1996 98. [5]Rincé note que L’histoire des proses du Spleen de Paris se confond avec celle des difficultés que Baudelaire rencontra pour en assurer la publication dans les revues de l’époque. » Ibid. 99, 96. [6]Ibid. 9. [7]Pichois, Baudelaire, 275-276. [8]Dominique Rincé, Bernard Lecherbonnier, Littérature textes et documents, XIXe siècle Paris Nathan, 1986 405. [9]Ibid. 405. [10]Ibid. 404. [11]Pichois, Baudelaire, xviii. [12]Jérôme Thélot, Baudelaire violence et poésie Paris Gallimard NRF, 1993 74. [13]Pichois, 277-278. [14]Rincé, Lecherbonnier, Littérature, 401. [15]Rincé, Baudelaire, 101. [16]Pichois, Baudelaire, 89-91. [17]La vision regarde », voit », voir », j’aperçois ». La vie fécond », vit la vie », rêve la vie », souffre la vie », vécu », aidé à vivre ». La lumière éblouissant », éclairée », chandelle », soleil », trou lumineux ». La souffrance pauvre », en pleurant », souffert ». [18] Album de vers et de prose fut publié par Librairie Universelle, Paris 1887-1888. Cette version du poème se trouve aussi dans les Œuvres Complètes, Editions Gallimard, Paris 1998, p. 117. Elle est reproduite en Annexe de cette étude. Le 3 juin 1863, à l’âge de 21 ans, Stéphane Mallarmé envoie le poème Les Fenêtres » à son ami Cazalis. En 1866 Mallarmé partage avec son ami Cazalis la onzième livraison du Parnasse Contemporain. Bertrand Marchal. Stéphane Mallarmé 1842-1898, Œuvres Complètes Paris Gallimard, 1998 XLIX. Paul Bénichou note que les versions connues de ce poème, manuscrites et imprimées, s’étendent sur toute la carrière de Mallarmé ; il y a relativement peu de variantes dans ce long parcours ; mais certaines sont notables. » Paul Bénichou, Selon Mallarmé Paris Gallimard, 1995 69. Parmi les variantes les plus notables de ce poème on trouve, à l’origine, au vers 37, la mention de Dieu Est-il moyen, mon Dieu, qui savez l’amertume ». En outre, dans le Parnasse Contemporain de 1866 le verbe savoir » est changé en voir . Puis, en 1887 dans la Revue Indépendante, apparaît la variante ô Moi, qui connais l’amertume. » [19]Bénichou, Selon Mallarmé, 69. [20]Bertrand Marchal, Stéphane Mallarmé Correspondance complète 1862-1871 Paris Gallimard, 1995 144. [21] L’encens » vers 1, le crucifix » vers 3, les saintes huiles » vers 13, béni » vers 26, éternelles » rosées vers 27, l’Infini » vers 28, ange » vers 29, la mysticité » vers 30, Ici-bas » vers 29, l’éternité » vers 40. [22] triste hôpital » vers 1, le moribond », un vieux dos » vers 4, se traîne », sa pourriture » vers 5, baiser amer » vers 12, le lit infligé » vers 14, la toux » vers 15, dégoût » vers 21, ordure » vers 23, je meurs » vers 29, vient m’écœurer » vers 34, vomissement » vers 35, l’amertume » vers 36. [23] soleil » vers 6, beau rayon clair » vers 8, les tièdes carreaux d’or » vers 12, de lumière gorgé » vers 16, belles comme des cygnes » vers 17, l’éclair fauve » 19, l’art » 30, portant mon rêve en diadème » vers 31, au ciel antérieur où fleurit la Beauté » vers. 32, le cristal » 38. [24] vieux dos » vers 4, pourriture » vers 5, poils blancs et os de la maigre figure » vers 7, bouche fiévreuse » vers 9, jeune » vers 10, peau virginale et de jadis » vers 11, son œil » vers 6, la femme allaitant ses petits » vers 24, l’épaule » vers 26, me boucher le nez » vers 36, mes deux ailes » vers 39. [25]Bénichou, Selon Mallarmé, 69.
Dansles plis sinueux des vieilles capitales, Où tout, même l'horreur, tourne aux enchantements, Je guette, obéissant à mes humeurs fatales Des êtres singuliers, décrépits et charmants. Ces monstres disloqués furent jadis des sXG2wa7.
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